Le dessin d'Odilon Redon
Scénographie
Nous avons conçu une scénographie à partir de la lithographie d’Odilon Redon, que nous avons reproduite en immense et qui, au sol, délimitait l’espace scénique. Nous y avons apporté deux modifications : nous avons peint l’œil en bleu, et fait en sorte qu’il soit détachable.
En fond de scène, au mur, sont suspendues de nombreuses reproductions d’autres dessins et lithographies de Redon qui prennent pour sujet principal l’œil (qui est un motif récurrent de son œuvre).
L’acteur évolue donc sous le regard de cet œil démultiplié, qui l’observe à la fois du fond de scène et du sol, accentuant l’impression qu’il est impossible d’y échapper. De plus, sous le premier œil bleu de la lithographe se dissimule un second, qui est révélé au moment du meurtre : le comédien « attaque » alors à grands jets de peinture le premier œil, puis, satisfait de son œuvre, il le détache et l’accroche au mur. C’est là qu’apparaît un second œil, intact, que l’acteur ne découvrira que quelques minutes plus tard, et qui le plongera - comme les battements du cœur dans la nouvelle de Poe - dans une rage destructrice.
Le visage-lithographe
Nous sommes allés encore plus loin, en reproduisant à même le visage de l’acteur une partie de la scénographie : il porte à l’œil droit une lentille bleue, tandis qu’une fine bande noire, qui entoure cet œil, descend du haut de son front jusqu’à son menton. Nous rejouons ainsi l’ambiguïté travaillée par Redon : l’œil de la lithographie, qui est à l’origine présenté comme celui du vieil homme, devient celui du narrateur, et l’on finit par se demander si ce n’est pas dans son propre cerveau qu’il évolue, et si ce n’est pas lui, en même temps que le vieil homme, qu’il est en train de mettre à mort.