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Les Figures de Nastassia Filippovna

Dans la pièce, chaque personnage est traversé par plusieurs figures. Cela tient à la structure même du roman, qui tisse ensemble dialogues de théâtre, contes philosophiques et récits bibliques. Nous avons voulu faire émerger ces figures, à travers un travail sur les costumes et les gestes des quatre personnages, toujours à partir d’inspirations picturales. Nous présentons ici l’itinéraire de Nastassia Filippovna, tour à tour figure de la prostituée, de Marie-Madeleine, et du Christ.

La Prostituée / L'Olympia

Que ce soit dans le roman ou dans l’adaptation, c’est sous les traits de la prostituée que l’on découvre Nastassia Filippovna. Rogojine raconte au Prince sa première rencontre avec Nastassia Filippovna, et l’on apprend que c’est une jeune femme entretenue, qui vit avec un riche bourgeois du nom de Totsky, qui cherche à présent à s’en débarrasser, parce qu’il veut faire un mariage honorable. 

Nastassia, dans le roman comme dans la pièce, apparaît d’abord comme une femme hautaine, provocatrice, intouchable ; nous avons donc décidé de la présenter au public d’abord sous les traits de L’Olympia, personnage chez qui on retrouve une alliance semblable entre vulnérabilité et provocation.

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L'histoire de Marie

L’histoire de Marie, une jeune fille rencontrée par le Prince en Suisse, et dont il prétend qu’il a bouleversé la vie, nous semble fondamentale pour la compréhension du roman et de ses personnages. C’est une des premières histoires que raconte le Prince, alors qu’il est introduit chez les Epantchine (sa famille éloignée), et qu’Aglaïa lui demande de leur raconter « comment il a été amoureux ». Marie est une jeune fille qui a été séduite puis abandonnée par un étranger de passage. Alors qu’elle est répudiée par les autres habitants du village, le Prince la protège, la prend en pitié, et l’embrasse. Tous les éléments de l’histoire de Marie-Madeleine sont réunis dans cette première parabole. C’est également une annonce du comportement du Prince vis-à-vis de Nastassia. Il explique ainsi son attitude vis-à-vis de Marie : « Et moi, je l’ai embrassé juste une seule fois...Non, ne riez pas, ce n’était pas du tout de l’amour. Si vous saviez quelle créature malheureuse elle était, vous auriez été prises de pitié, comme moi. »
Plus tard, il expliquera à Rogojine, à propos de Nastassia : « Tiens, tu te mets à rire ; je sais ce qui te fait rire. Oui, nous avons vécu séparés, et dans des villes différentes, et ça, tu le sais, à coup sûr. Je t’ai déjà expliqué ça avant, qu’elle, ce n’est pas « d’amour, que je l’aime, c’est de pitié » ».
Dans les deux cas, cette impossibilité d’aimer autrement que par la pitié conduira à la mort. S’il n’est pas sûr, au début du roman, que le Prince soit instrumental dans la mort de Marie, il l’est en revanche directement dans la mort de Nastassia. 
Pendant le récit de Marie, nous faisons donc prendre à Nastassia la place de Marie, et nous lui faisons adopter, déjà, la posture de la Madeleine repentante, ici celle du Caravage, modestement vêtue, avec les yeux baissés, qui rappelle le mieux la Marie de l’histoire.

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Madeleine pénitente

À mesure que l’on avance dans le roman, le parallèle entre Marie-Madeleine et Nastassia est de plus en plus clair. Il est rendu évident à la fin de l’acte I, lors du discours du Prince à Nastassia, pendant l’anniversaire de celle-ci. Il lui déclare son amour, et la demande en mariage, en ces termes : « À l’instant, vous avez eu l’envie de vous perdre, à tout jamais, parce que, plus tard, cela, vous ne vous le seriez jamais plus pardonné ; mais vous, vous n’êtes coupable de rien. C’est impossible que votre vie soit complètement perdue dès à présent. »

Après avoir un instant joué avec l’idée d’accepter la proposition du Prince, devenu en plus millionaire, Nastassia finit par s’enfuir avec Rogojine, en adressant au Prince ces paroles : « Moi aussi, je suis une débauchée ! Prince ! Ce qu’il te faut maintenant, c’est Aglaïa Epantchina, pas Nastassia Filippovna. Toi, tu n’as pas peur, mais j’aurais peur, moi, d’avoir fait ta perte, et que tu ne me le reproches plus tard ! Et ce que tu chantes, que c’est moi qui te ferais un honneur… »

Elle renonce à son bonheur pour protéger le Prince, et commence ainsi ce qu’elle croit devoir être sa pénitence.

Nous avons donc décidé de la représenter en Madeleine pendant tout l’acte II. Il s’agit plus exactement d’un croisement entre toutes les images déjà rencontrées. Sa tenue et sa coiffure rappellent encore L’Olympia, ainsi que son regard frontal, tandis que sa position, et la présence du crâne sur ses genoux l’amènent du côté de la Madeleine pénitente.

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Le Christ mort

Enfin, au dernier acte, alors qu’elle a été assassinée par Rogojine, la position de son corps mort fait écho au tableau d’Holbein, qui s’est remis à briller, dans la pénombre. Sacrifiée, elle devient un nouveau Christ, alors que Rogojine et le Prince jouent une nouvelle Passion, à ses pieds. 
Ce mouvement d’inversion concerne selon moi tous les personnages, et Aglaïa, Rogojine et Nastassia apparaissent à la fin comme plus christiques que le Prince. Tous les trois, ils chutent à la fin d’avoir trop aimé, et en particulier d’avoir trop aimé le Prince, qui devient à son tour figure d’une humanité pécheresse. Pour cette raison, nous choisissons de faire chanter au Prince, pour clore le spectacle, un « Je vous salue, Marie », qui maintient jusqu’au bout cette ambiguïté dans la lecture du sous-texte biblique qui sous-tend le roman.

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Les Figures de Nastassia Filippovna: Couverture médiatique

"Elle habitait notre village"

Acte I - La Parabole de Marie

Alors que le Prince se met à raconter l'histoire de Marie, l'actrice jouant Nastassia prend peu à peu la place de cette figure énigmatique, se fond dans ses gestes, puis, une fois ces deux figures réconciliées, dans ceux de Madeleine repentante. Elle restera là, abandonnée comme dans l'histoire, jusqu'à la fin du récit.

Les Figures de Nastassia Filippovna: Vidéo

"Je vous salue, Marie"

Acte IV - La partie du Prince

Nuit de veille pour le Prince et Rogojine ; derniers moments de lucidité pour le Prince, de liberté pour Rogojine. On termine sur un double parallèle, entre le corps mort de Nastassia et celui de Jésus, et l'ode final à Marie, mère de Jésus.

Les Figures de Nastassia Filippovna: Vidéo
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