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Mises au monde

Nous avions évoqué, lors de nos conversations préparatoires, la question du corps dans son rapport à l’histoire de ses représentations. Il nous avait semblé que replacer le corps dans cette histoire longue pouvait permettre de le faire advenir à la fois comme objet du regard et comme sujet créateur, conscient des strates historiques qui l’ont amené à se tenir à ce moment précis devant nous. Nous avions commencé une histoire partielle et subjective des figures qui intéressaient en particulier Miriam : la femme au bain, le corps qui tombe, etc.
Or, dès les premiers moments de notre résidence, en particulier lors des premières improvisations de Miriam et Michaël, c’est une autre figure qui a émergé, dont nous n’avions jamais parlé comme telle : celle de l’Engendrement. 
Dans les premières minutes de la performance, Miriam était mise au monde, avant de donner elle-même naissance. Le travail sur les Figures rejoignait ainsi notre questionnement toujours renouvelé sur la question de l’apparaître. Les deux performeurs se sont d’emblée d’eux-mêmes placés dans ces positions qui leur permettaient d’engendrer ou d’être engendrés. Ils renouaient par là-même avec des images millénaires, et pour ainsi dire biologiques, inattendues.

Le cocon

La performance commence dans le noir, au son d’une respiration de plus en plus hachée, et saccadée. Les lumières s’allument peu à peu ; dans l’obscurité première, nous découvrons un sol blanc, maculé de traces de peinture rouge, qui évoquent des trainées de sang, comme les traces d’un précédent accouchement. On découvre, dans un premier temps, la silhouette de Michaël, affairé, qui va ouvrir une à une les poches de perfusion, sage-femme ou accoucheur d’un autre temps. Apparaît ensuite une sorte d’immense cocon de tulle blanc. L’homme-accoucheur s’en approche, ouvre la perfusion qui y est attachée, et se met à enrouler le cocon sur lui-même : apparaît alors la figure d’une femme, presque nue, qui nous contemple. Cette première mise au monde est d’autant plus ambiguë que c’est une morte qui nous apparaît (la femme disséquée du tableau de Kerry James Marshall). La respiration s’évanouit dans la musique, le cocon est transporté ailleurs (au pied d’une autre perfusion…), le premier temps de l’engendrement est terminé.

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Le cordon ombilical

Le fil tendu de peinture rouge relie la poche de perfusion au nombril de la danseuse. Des gouttes de peinture rouge en perlent, qui vont s’écraser sur son ventre. Elle semble encore, au début de la performance, dépendante de ce fil qui lui insuffle, depuis le haut, une énergie vitale. D’ailleurs, alors qu’elle semblait morte, elle est peu à peu gagnée par le mouvement ; sa main d’abord, discrètement, dont le premier geste va être de venir chercher ce « cordon ombilical », de le presser comme pour en tirer plus de fluide, et plus d’énergie ; puis, dans un deuxième temps, ses jambes, et tout son corps. Une deuxième naissance a eu lieu.

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Mise au monde de soi / Mise au monde de l'autre

Alors qu’elle a retrouvé la capacité de se mouvoir, la danseuse se redresse peu à peu, et n’a plus d’yeux que pour la brique posée sur son ventre, alors que jusqu’ici, son regard était plongé dans celui du spectateur. La brique, qui maintenait le fil de la perfusion tendu, devient un nouveau personnage du tableau. Dans les traces du sang versé, la danseuse évolue, précautionneuse, attentive à maintenir sa brique/enfant dans son giron. Elle prend le fil de peinture rouge dans sa bouche, et l’image d’une mère-animale tentant de couper le cordon ombilical, après avoir mis bas, surgit dans nos esprits. Enfin, la brique est délivrée ; c’est la troisième naissance. La performeuse la gardera jalousement entre ses jambes, tout en se mouvant dans l’espace, jusqu’à ce que l’homme-accoucheur vienne s’en emparer.

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Mises au monde: Couverture médiatique

Mises au monde

Mises au monde: Vidéo
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